26/03/2012

Ils étaient deux...

J'ai écrit le post précédent sous l'emprise de la colère, des sanglots réprimés plein la gorge.


Ma journée s'est mal terminée comme prévue lorsqu'on commence du mauvais pied. Je suis encore un peu remontée mais j'aborde peu à peu le virage de la résignation. Une scène a contribué à me remettre du plomb dans la cervelle. 

Métro Champs Elysées ligne 13. 
Je descends les escaliers en me demandant si je vais bien pouvoir monter dans cette rame de métro que j'entends arriver. 
Au bas de l'escalier, un homme avec un petit écriteau. D'une écriture bien soignée, il a écrit: "J'ai faim."

Au départ je ne prête pas attention en me disant: "Un SDF de plus!".
Mais quelque chose m'interpelle: il y a une femme avec lui. Elle est placée de biais, sans doute pour dissimuler son visage et elle lui serre le bras. 
Je regarde l'homme et je vois qu'il est jeune (30 ans?) et habillé proprement. Nos regards se croisent et je lis la honte dans le sien. La honte qui oppresse ces 2 personnes jetées dans la rue par l'incapacité de subvenir à leurs besoins. Je ne peux imaginer ce que l'on ressent quand on est jeune et qu'on n'a plus d'autre solution que de tendre une main et tenir un écriteau de l'autre. Perdre sa dignité.

Ma première réaction est de détourner le regard, par pudeur. A leur place, je n'aurais pas aimé qu'on me fixe du regard au plus profond de ma déchéance sociale. 
A cet instant, je n'ai pas envie ou la force de faire le procès du système qui broie tous ceux qui n'ont pas pu grimper les échelons de la justice sociale. Je n'ai pas envie de me demander si ces 2 personnes ne voulaient pas simplement profiter de la charité pour avoir de l'argent facile. 
Non. A cet instant, je vois leurs regards, je vois leur peine, je vois l'incertitude, je vois tout cela et je me demande: "qui sont ces 2 personnes? Quelle est leur histoire? Quel drame les a conduit jusqu'à cette station de métro?" 

Je ne sais pas très bien ce que j'ai ressenti parce que, n'ayant jamais été dans leur situation, je ne peux pas les comprendre vraiment. J'ai vu ces jeunes et je n'ai pas pu m'empêcher de les imaginer au même endroit, dans quelques années, plus vieux, plus sales... J'ai vite chassé cette image de mon esprit. 
Littéralement émue de compassion, je vais vers eux, je glisse un billet de 5€ dans leur bol et je pose ma main sur l'épaule de la jeune femme. Je ne dis rien. Ils me remercient et je me retourne pour partir. 
Cet oppressant sentiment d'impuissance qui persiste parce qu'il n'y a pas de quoi se vanter dans ce genre de situation. 

Eh oui quand je suis rentrée j'ai encore pesté contre ce fichu sac perdu. Mais je me suis souvenue de leurs regards et le calme s'est fait peu à peu dans mon coeur. 
J'ai fermé les yeux et je L'ai remercié de ce que je ne manque de rien aujourd'hui. Je L'ai remercié de ce que j'ai un toit sur ma tête et de la nourriture. Je L'ai remercié de ce que j'ai tout ce dont j'ai vraiment besoin.

L'Homme est profondément égoïste, ce n'est une nouvelle pour personne. Dans notre quête du bonheur matériel, nous en oublions un peu nos semblables, l'organe de la compassion complètement cautérisé. Certes, nous ne pouvons pas porter les fardeaux du monde entier mais nous pouvons faire un geste pour apporter un peu de soleil, même furtif, à ces personnes qui souffrent autour de nous. 

N'oublions pas d'être reconnaissants à chaque fois que nous nous levons le matin et que nous n'avons pas à lutter physiquement et moralement pour survivre jusqu'au jour suivant.

L.

9 commentaires:

  1. Il est vrai que c'est toujours un bon geste, que ca fait du bien... Mais il ne faut pas oublier qu'on peut pas aller au dessus de "ses moyens". C'est pourquoi, moi, je peux pas.

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    1. Rose, c'est déjà bien que tu aies une bonne volonté pour le faire.
      Fais simplement selon ce que ton coeur a résolu avec équilibre évidemment. Il ne s'agit pas d'oublier nos propres engagements et responsabilités.

      Si à ce moment-là, je n'avais eu que 1€, je l'aurais donné. Ce n'est pas tant le montant au final. Mes 5€ ne résoudront pas leurs problèmes, ce n'est qu'un geste pour les aider à tenir 1 mn de plus...

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  2. Très émouvant et bien écrit..

    Je suis triste aujourd'hui, mais ton histoire me fait réfléchir..

    Certes j'ai tjs le cafard, mais je vais survivre, il y a toujours pire que sois, mais ds sa propre "quete du bonheur" et ses moments de cafard, on se croit toujours le plus misérable, le plus à pleindre... Faut-il avoir honte.? Donno..

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    1. Je ne pense pas que devrait avoir honte de penser être le plus misérable sur terre à certains moments. C'est d'abord une réaction naturelle après tout.
      Mais je pense que cet état ne doit pas durer. Il vient toujours un temps où l'on relativise.
      Je ne sais pas ce qui te rend triste aujourd'hui mais ne perds pas courage, tu vas rebondir et aller de l'avant. J'y crois!

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  3. Ooh comme tu as raison! Personnellement, je me rends compte tous les jours de la chance que j'ai d'avoir une joli petit appartement, à avoir assez d'argent pour aire les courses. Et je ferme mes volets en pensant à ceux qui dorment dehors. Tu as eu un geste très noble et très digne par rapport à eux :) Bisous!

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  4. Tu as l'air très d'être une très belle personne. Bien sûr qu'on ne peut pas porter les fardeaux de tout le monde, mais si chacun avait ce petit supplément d'âme que tu sembles posséder, il y aurait plus d'entraide, plus de solidarité, plus de paix dans ce monde trop chaotique.
    Nous avons de la chance d'être en vie, en bonne santé et de pouvoir manger à notre faim, il ne faut pas l'oublier.
    Ton empathie est très belle.

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