Ma journée s'est mal terminée comme prévue lorsqu'on commence du mauvais pied. Je suis encore un peu remontée mais j'aborde peu à peu le virage de la résignation. Une scène a contribué à me remettre du plomb dans la cervelle.
Métro Champs Elysées ligne 13.
Je descends les escaliers en me demandant si je vais bien pouvoir monter dans cette rame de métro que j'entends arriver.
Au bas de l'escalier, un homme avec un petit écriteau. D'une écriture bien soignée, il a écrit: "J'ai faim."
Au départ je ne prête pas attention en me disant: "Un SDF de plus!".
Mais quelque chose m'interpelle: il y a une femme avec lui. Elle est placée de biais, sans doute pour dissimuler son visage et elle lui serre le bras.
Mais quelque chose m'interpelle: il y a une femme avec lui. Elle est placée de biais, sans doute pour dissimuler son visage et elle lui serre le bras.
Je regarde l'homme et je vois qu'il est jeune (30 ans?) et habillé proprement. Nos regards se croisent et je lis la honte dans le sien. La honte qui oppresse ces 2 personnes jetées dans la rue par l'incapacité de subvenir à leurs besoins. Je ne peux imaginer ce que l'on ressent quand on est jeune et qu'on n'a plus d'autre solution que de tendre une main et tenir un écriteau de l'autre. Perdre sa dignité.
Ma première réaction est de détourner le regard, par pudeur. A leur place, je n'aurais pas aimé qu'on me fixe du regard au plus profond de ma déchéance sociale.
A cet instant, je n'ai pas envie ou la force de faire le procès du système qui broie tous ceux qui n'ont pas pu grimper les échelons de la justice sociale. Je n'ai pas envie de me demander si ces 2 personnes ne voulaient pas simplement profiter de la charité pour avoir de l'argent facile.
Non. A cet instant, je vois leurs regards, je vois leur peine, je vois l'incertitude, je vois tout cela et je me demande: "qui sont ces 2 personnes? Quelle est leur histoire? Quel drame les a conduit jusqu'à cette station de métro?"
Je ne sais pas très bien ce que j'ai ressenti parce que, n'ayant jamais été dans leur situation, je ne peux pas les comprendre vraiment. J'ai vu ces jeunes et je n'ai pas pu m'empêcher de les imaginer au même endroit, dans quelques années, plus vieux, plus sales... J'ai vite chassé cette image de mon esprit.
Littéralement émue de compassion, je vais vers eux, je glisse un billet de 5€ dans leur bol et je pose ma main sur l'épaule de la jeune femme. Je ne dis rien. Ils me remercient et je me retourne pour partir.
Cet oppressant sentiment d'impuissance qui persiste parce qu'il n'y a pas de quoi se vanter dans ce genre de situation.
Littéralement émue de compassion, je vais vers eux, je glisse un billet de 5€ dans leur bol et je pose ma main sur l'épaule de la jeune femme. Je ne dis rien. Ils me remercient et je me retourne pour partir.
Cet oppressant sentiment d'impuissance qui persiste parce qu'il n'y a pas de quoi se vanter dans ce genre de situation.
Eh oui quand je suis rentrée j'ai encore pesté contre ce fichu sac perdu. Mais je me suis souvenue de leurs regards et le calme s'est fait peu à peu dans mon coeur.
J'ai fermé les yeux et je L'ai remercié de ce que je ne manque de rien aujourd'hui. Je L'ai remercié de ce que j'ai un toit sur ma tête et de la nourriture. Je L'ai remercié de ce que j'ai tout ce dont j'ai vraiment besoin.
L'Homme est profondément égoïste, ce n'est une nouvelle pour personne. Dans notre quête du bonheur matériel, nous en oublions un peu nos semblables, l'organe de la compassion complètement cautérisé. Certes, nous ne pouvons pas porter les fardeaux du monde entier mais nous pouvons faire un geste pour apporter un peu de soleil, même furtif, à ces personnes qui souffrent autour de nous.
N'oublions pas d'être reconnaissants à chaque fois que nous nous levons le matin et que nous n'avons pas à lutter physiquement et moralement pour survivre jusqu'au jour suivant.
L.